ÉPARGNE — On dit de l’assurance vie que c’est le placement préféré des Français. Facile à mettre en place, transparent, souple dans son fonctionnement et intéressant fiscalement, notamment dans l’optique d’une succession, ce produit d’épargne demande toutefois une certaine vigilance avant de se lancer. Au souscripteur de prendre le temps de définir son projet et de poser les bonnes questions aux bons interlocuteurs. Par Laurent Caillaud, Savana Media
Les Français adorent l’assurance vie ! Avec 54 millions de contrats en cours, souscrits par environ 38 millions de bénéficiaires selon MeilleurTaux, ce produit d’épargne n’a rien perdu de son actualité même si les collectes annuelles ont connu un ralentissement depuis 2020 et la période Covid-19. Premier argument qui milite en faveur de l’assurance vie, sa simplicité. Selon la définition qu’en donne le ministère des Finances, il s’agit d’un contrat par lequel l’assureur s’engage, en contrepartie du paiement de primes, à verser une rente ou un capital à l’assuré ou à ses bénéficiaires. L’assurance vie est un donc un produit d’épargne à moyen ou long terme, avec comme objectif l’obtention d’un complément de revenus, la préparation de la retraite ou une transmission de patrimoine. Deuxième argument, la souplesse. Après ouverture du contrat par un versement initial, il est en effet possible d’effectuer des versements volontaires (réguliers ou non) sans limite de montant. Par ailleurs, même s’il est fiscalement plus intéressant d’épargner pendant au moins huit ans, il est possible de clôturer le contrat ou d’effectuer des retraits à tout moment en récupérant les sommes investies augmentées des gains éventuels et diminués des frais (de dossier, de gestion, de versements ou d’arbitrage). Le contrat, qui est obligatoirement géré par une compagnie d’assurance, peut être souscrit auprès d’un agent (ou d’un courtier), d’une banque ou d’une association d’épargnants (la plus importante étant l’Afer, avec 750 000 adhérents).
En quoi la fiscalité de l’assurance vie est-elle avantageuse ? Les intérêts issus des versements effectués depuis le 27 septembre 2017 sont soumis au « prélèvement forfaitaire unique », ou PFU. Pour un retrait intervenant 8 ans après l’ouverture du contrat, le prélèvement forfaitaire s’élève à 24,7 % (dont 7,5 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux) pour des sommes versées inférieures à 150 000 €. Mais le souscripteur bénéficie d’un abattement fiscal annuel de 4 600 € (9 200 € pour un couple marié) sur les gains générés. Qu’en est-il pour un retrait avant le délai de 8 ans ? Le prélèvement forfaitaire unique sera supérieur, il s’élèvera à 30 % (dont 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux). En revanche, quelle qu’en soit la date, le retrait sera exonéré d’imposition dans les cas suivants : licenciement, à condition d’être inscrit à France Travail ; cessation d’activité non salariée suite à un jugement de liquidation judiciaire ; mise à la retraite anticipée ; invalidité de 2e ou 3e catégorie de la Sécurité sociale.
Outre la sortie en capital des sommes épargnées et de leurs intérêts, l’assurance vie offre la possibilité de transformer celles-ci en rente viagère. Cette rente sera versée à vie au souscripteur pour un montant dépendant de son âge et du capital investi. Un choix intéressant dans l’optique d’un complément de retraite, par exemple. Attention, une fois l’option rente viagère activée, il ne sera plus possible de récupérer le capital ni de le transmettre à des bénéficiaires ou à des successeurs.
Définir le niveau de risque acceptable avant de se lancer
Les Français le savent bien, l’un des principaux attraits de l’assurance vie est sa vertu fiscale dans le cadre d’une succession : en effet, lors du décès du souscripteur du contrat, les sommes versées à ses bénéficiaires sont écartées de la succession du défunt. Une disposition qui permet de transmettre un capital à une ou des personnes (même sans lien de parenté) sans frais de succession jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire. Cette fiscalité spécifique de l’assurance vie lors d’une transmission dépend de trois facteurs : la date d’ouverture du contrat, la date de versement des primes et l’âge du souscripteur au moment du versement de celles-ci (avant ou après ses 70 ans). Plus d’information sur Economie.gouv.fr.
L’assurance vie s’adresse aussi bien aux épargnants à la recherche de placements peu risqués qu’à ceux désireux de diversifier leurs avoirs sur des supports plus aléatoires, notamment en actions. Pour ce faire, il existe deux types de contrats :
> Les contrats monosupport, dont les versements sont investis dans un fonds en euros. Il s’agit de produits sans risque financier pour l’épargnant - par exemple des obligations d’État – qui sont revalorisés chaque année. Le capital investi est garanti à tout moment et les intérêts de l’année sont définitive- ment acquis.
> Les contrats multisupports sont pour leur part investis sur un mélange de produits sans risque et de produits liés à la bourse (obligations, actions, fonds, Sicav...), investis sur les marchés financiers, appelés unités de compte (UC). L’assureur garantit non la valeur de ces unités, qui varie, mais leur nombre. Cet investissement est plus risqué que les fonds en euros mais peut se révéler plus rémunérateur. Avant d’investir dans des UC, il est donc prioritaire pour l’investisseur potentiel de définir le niveau de risque qu’il est prêt à accepter. Tout comme il est indispensable d’étudier le contrat éventuel dans le détail afin de s’assurer de sa parfaite adéquation avec les objectifs définis côté rentabilité.
Si toute banque ou compagnie d’assurance est a priori à-même de proposer des contrats de qualité, il paraît opportun de faire jouer la concurrence, notamment en faisant appel à un conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Voire à plusieurs, là-encore pour une transparence accrue avant de se lancer !
CHOIX
En euros ou en unité de compte, quel support choisir ?
CONSEILS
Quelles précautions avant de signer? Les conseils de l’Afer
> Vérifier le type de contrat:
S’agit-il d’un contrat mono-support ou multi support? L’offre est aujourd’hui plutôt tournée vers des contrats multisupports, c’est-à-dire avec plusieurs supports d’investissement, tels que les supports en unités de compte qui présentent un risque de perte en capital, des supports en euros pour lesquels les sommes versées sont garanties et des supports euro-croissance qui présentent une garantie au terme de la durée d’engagement. Ces contrats multisupports présentent ainsi l’avantage d’offrir un univers d’investissement plus large et de combiner sécurité et diversification de l’épargne investie.
> Vérifier le mode de distribution:
Puis-je bénéficier de l’accompagnement d’un conseiller ou suis-je seul face à mon ordinateur pour déterminer mon allocation? Vous avez aujourd’hui la possibilité de souscrire des contrats en ligne, sans l’aide de personne. Ils sont généralement moins chers mais il faut accepter de ne bénéficier d’aucun conseil.
> S’agit-il d’un contrat associatif:
Sur le marché, vous pouvez trouver des contrats dits individuels, c’est-à- dire des contrats mis en place par un assureur au profit de ses clients, ou des contrats dits groupe, dans lesquels une association souscriptrice négocie les meilleures garanties auprès d’un assureur. Une association souscriptrice, comme l’Afer, regroupe un ensemble d’adhérents et se trouve donc chargée de négocier auprès d’un assureur pour proposer
le meilleur contrat. Elle agit alors comme un intermédiaire entre l’épargnant et l’assureur.
> Vérifier la qualité des supports proposés et des options présentes dans le contrat:
Il est possible de vérifier sur les 5 ou 7 dernières années quel a été le rendement du fonds en euros proposé au sein du contrat. Par ailleurs, que le contrat propose-t-il comme options? Par exemple une aide dans la gestion de l’allocation ou une garantie plancher pour les supports en unités de compte afin de limiter le risque de perte en cas de décès?
> Vérifier les frais du contrat:
On parle principalement des frais sur versement, des frais de gestion du contrat. La comparaison est aujourd’hui facilitée car les assureurs ont l’obligation de publier sur leur site Internet une document standardisé détaillant les frais des contrats.
LE SAVIEZ-VOUS ?
De Louis XIV à Louis XVIII, la naissance de l’assurance vie
Si les Grecs de l’Antiquité pratiquaient déjà une forme d’assurance proche de celle que nous connaissons, le perfectionnement du concept d’assurance vie revient au banquier italien Lorenzo Tonti (1602-1684), qui parvient en 1653 à convaincre le cardinal de Mazarin puis Louis XIV d’autoriser un principe assez simple: les investisseurs déposent de l’argent dans un fonds commun qui leur procure une rente via- gère; à la mort d’un souscripteur les autres se partagent sa part et touchent donc davantage; à la mort du dernier souscripteur, le capital revient entièrement à l’État. Le Parlement ne validera toutefois pas l’idée, mais celle-ci donnera plus tard naissance à la tontine, un mécanisme toujours en vigueur aujourd’hui. Le mouvement était ainsi lancé et en 1706 Londres vit apparaître l’Amicable Society for a Perpetual Assurance Office, considérée comme la première compagnie d’assurance vie. Il faudra attendre 1787 pour voir naître en France la Compagnie royale d’assurances sur la vie, qui propose des assurances contre les incendies et des assurances-décès mais ne survivra pas à la Révolution. Le 23 mars 1818, le Conseil d’État officialise
la création de contrats d’assurances en cas de décès, puis le 22 décembre 1819 une ordonnance royale officialise la création de la Compagnie d’assurances générales sur la vie humaine, qui précède celle de la Société mutuelle d’assurance sur la vie, en 1820. La suite appartient à l’Histoire!